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Un “palais pieds nus”
Sur la Costa Smeralda, la mer est d’une exceptionnelle beauté et les (très) jolies villas sont légion. Posée sur une petite colline qui dévale en pente douce jusqu’à la mer, « La Grintosa » se distingue des autres par son isolement sublime et son architecture sculpturale véritablement noyée dans un dédale minéral de rochers de granit. Là, sur le flanc nord-est de la Sardaigne, l’architecte Stefania Stera (Stera Architectures Paris) a imaginé une vaste demeure très particulière, une sorte de « palais pieds nus », comme elle le dit elle-même, sorti tout droit de son imaginaire. Cette maison buissonnière à l’allure futuriste mixe avec une habilité élégante la rigueur géométrique du béton gris et le raffinement nomade de la céramique (Artigianato Pasella) peinte à la main tels des azulejos. De cette liberté de ton naît un charme fou.
Entre roches et mer
La maison s’organise comme une « promenade architecturale » autour de deux axes fondateurs : l’un monte vers le massif rocheux grâce à un escalier et dessert un étage haut, l’autre à rez-de-chaussée descend vers la mer. Là où ils se croisent s’ébauche une grande cour autour de laquelle les pièces et les chambres sont disposées, comme une « piazzetta » voulue par l’architecte. En s’habillant comme les rochers alentour, les murs de la maison (enduits d’une pâte en granit et pierre de lave concassée) se coulent dans le paysage, s’y cachent en partie. L’épaisseur des murs, la rusticité des dalles et du plancher, la compacité du bâtiment et ses angles font penser à une « forteresse ». À l’intérieur, cette rigueur est compensée par la douceur de boiseries claires et des murs chaulés blancs. Certaines chambres se glissent littéralement entre les rochers, frôlant leurs rondeurs et s’y moulant. Sous une voûte en cloche, une grande table de salle à manger a été installée. Cette hauteur, librement empruntée à l’architecture des maisons traditionnelles sardes, permet de profiter au maximum de la fraîcheur. Même en plein été.
Ambiance minimale chic
La cuisine est à l’image du reste de la maison : sobre mais fonctionnelle. À un luxe tapageur, l’auteur de La Grintosa a préféré « une rigueur précieuse, le contrôle presque spartiate des formes. » Ainsi les placards s’incorporent à l’architecture qu’ils contribuent à constituer et charpenter. Ainsi se déploient des trésors d’ingéniosité pour cacher les sources lumineuses conçues par Davide Groppi, pour escamoter tiroirs, rangements et les faire participer au dessin des murs, ce qui permet de magnifier les volumes les faisant apparaître telles des « grottes » et des surfaces expressives. De même l’architecte a voulu donner à la villa une apparence de maison du futur, à l’image de certains films de science-fiction. D’où son choix d’un recours à la domotique et à des ouvertures télécommandées et interrupteurs intelligents que l’on effleure à peine pour allumer. Le mobilier, dessiné et réalisé sur mesure (Ateliers Lebon), participe à cette ambiance minimale chic, qui se caractérise notamment par ses énormes ouvertures sur l’extérieur. Une envie de naturel soulignée par cette « racine » sculpturale de bois flotté suspendue au plafond.
Les appartements conçus pour les amis fonctionnent par deux, séparés ou unis par un dressing commun. Tous déclinent les mêmes éléments : une salle de bain tantôt grise en marbre d’Égée, tantôt blanche en marbre de Carrare, dallée de Pietra Serena, mêmes grands et petits lavabos en céramique, même mobilier, robinets, miroirs, même rigole au pied de la baignoire. Et, pourtant, chacune des pièces a sa propre personnalité, avec ses propres volumes, ses tonalités, d’incroyables raffinements de serrurerie, de détail et d’utilisation du moindre centimètre de rangement, son originalité et son entrée (comme la « grande entrée » au rez-de-chaussée) adossée aux rochers.
Le relief volontiers chahuté de cet environnement naturel a été aménagé en terrasses et jardins en alcôves. Malgré les plantations par dizaines, les arbres rapportés, certains de haute taille, les massifs, les haies, les essences empruntées au maquis, la nature n’a pas encore révélé toute son ampleur. Et pourtant il est déjà presque possible de se perdre dans son foisonnement. Faut-il parler d’un jardin, d’un parc, d’un morceau de forêt ? De leur savant mélange sûrement. Le plus fort est que le tout paraît naturel alors que l’architecte a entièrement dessiné et remodelé le terrain : creusement ici, remblais là, recomposition avec les rochers déjà sur place. Ce jardin « en cascades » dévale tout en douceur vers une petite crique sauvage, une plage presque privative, qui se noie dans les reflets azur de la mer Tyrrhénienne.