Sommaire
Nous avons choisi de mettre en évidence le travail, l’aura et le talent d’architectes du XXIe siècle, qu’ils soient d’ici ou d’ailleurs, jeunes ou plus âgés, médiatisés ou d’une grande discrétion, précisant bien que l’architecture contemporaine n’est pas un courant architectural en soi. Les courants architecturaux, comme le modernisme, le néoclassicisme ou le futurisme, sont toujours liés à une période historique définie. Un courant architectural est donc un choix particulier qui se veut le reflet précis de la société à un moment précis. Les architectes que nous vous présentons ayant en commun le désir de révéler une certaine idée de la beauté pure, presque sacrée, des choses. Pas plus néo-ceci que post-cela, leur art dépouillé des cicatrices de toute fratrie complaisante répond à la plus grande subjectivité : celle du cœur. Retrouvez tous les talents dans le VILLAS 112, The Book, édition collector disponible en librairie.
1/ Bjarke Ingels
Yes is More ! Cet enthousiasme à l’allure de slogan anime le Studio d’architecture Bjarke Ingels Group (BIG). Lequel enchaine les concours et rafle les projets les plus spectaculaires. Aux quatre coins du monde.
‘‘VM Houses’’, résidence en forme de 8, à Copenhague ; ‘‘People’s Building’’ et le ‘‘Pavillon Danois’’ (EXPO 2010), à Shanghai ; le building ‘‘VIA 57 WEST’’ à New York ; la grande arche asymétrique de la Maison de l’Économie créative et de la Culture de Nouvelle-Aquitaine (MÉCA), à Bordeaux ; ou la tour résidentielle ‘‘1480, Howe Street’’, à Vancouver. Autant de prouesses architecturales signées par le studio Bjarke Ingels Group (BIG), à Copenhague.
Bjarke Ingels (48 ans) est né dans la capitale danoise, où il est diplômé en architecture de l’Académie Royale des Beaux-Arts du Danemark. La légende raconte qu’il s’y est inscrit pour apprendre les techniques du dessin animé, il en est ressorti, passionné de design. Il poursuivra ses études à la Escola Tècnica Superior d’Arquitectura de Barcelone, puis travaillera pour Rem Koolhaas (Studio OMA) à Rotterdam, notamment sur le projet de la ‘‘Seattle Public Library’’ avec Josh Ramus. En 2001 il fonde à Bruxelles l’agence PLOT avec l’architecte belge Julien De Smet (rencontré à OMA), mais en 2006, ils se séparent. L’un crée JDS Architects, basé à Bruxelles et Copenhague, Bjarke Ingels crée BIG, qui compte aujourd’hui plus de 540 employés et des bureaux à travers le monde – l’un des studios d’architecture les plus en vogue, les plus fous et les plus prospères de la planète, dit-on.
Monumental de près, visible de loin.
Bjarke Ingels a un petit côté ‘‘rock star’’, qui aligne dix idées à la seconde. À Manhattan, il a proposé le projet d’une deuxième grande tour (en escalier) du World Trade Center (2WTC) qui culminerait à 410 m. Wait and see ! En Californie, il a dessiné le nouveau siège de Google. Au Danemark, il travaille à un incinérateur de déchets géant dont le toit en pente servira de piste de ski… Le magazine Time l’a même glissé dans son classement (2018) des 100 personnalités les plus influentes du monde. Pour Artemide, il a conçu un ‘‘objet’’ lumineux à la forme la plus minimale qui soit : une ligne (La Linea), mais au potentiel d’installation quasi infini. Il s’agit d’un tube lumineux flexible en silicone, qui se travaille directement sur le lieu de l’intervention, empruntant les tracés les plus improbables, comme celui d’un ‘‘alphabet’’ dont BIG aurait imaginé la police de caractères. La technique développée, qui s’appuie sur la technologie LED, permet même de raccorder différents morceaux pour créer une ligne infinie. Son rêve ? Construire une résidence…sur Mars !
2/ Nicolas Schuybroek
Dans la chaleur du minimalisme, Nicolas Schuybroek développe une démarche où l’émotion et le sentiment de quiétude occupent le cœur de ses projets.
Pour Nicolas, l’architecture fut une révélation. C’est en découvrant le Couvent de la Tourette, une œuvre en béton signée Le Corbusier, exprimant aussi tout l’art des couleurs, qu’il rencontre la dimension humaine. Cette exaltation, il l’a retrouvera en s’intéressant au travail de Hans van der Laan, architecte et moine bénédiction originaire des Pays-Bas. Nicolas a trouvé son style, le style monacal. Il décide alors de le retranscrire dans ses propres réalisations, en adaptant le traitement particulier des espaces, des volumes et de la lumière, et en le rehaussant d’une palette restreinte de matériaux, caractéristique dans ce type de construction. Pour créer, ses inspirations sont multiples, le Constructivisme russe… les artistes du Land art… la danse contemporaine offrant une puissance visuelle avec peu de moyens. Aux matériaux dominants de l’architecture, il associe une sélection limitée de riches textures (pierre, bois, enduits, métal) et patines compensant leur nombre restreint. Et la pierre, bien sûr, permet de créer un lien entre l’enveloppe du bâtiment, pour aller de l’extérieur à l’intérieur. Nicolas recherche toujours des matières dotées d’une profondeur, d’une âme, d’une qualité particulière pour capturer la lumière. Par extension, il considère aussi que tout objet de design ou pièce de mobilier est une microarchitecture. Ainsi l’îlot de cuisine en étain, dessiné pour Obumex, ou les accessoires, imaginés pour la marque When Objects Work, véritables sculptures fonctionnelles, mettent en valeur la beauté des matériaux soulignés par des lignes graphiques et épurées.
3/ Odile Decq
En rouge et noir, elle cultive chocs visuels et positions fortes. Odile Decq fait rimer architecture avec aventure, pour que rien ne soit jamais banal.
Du Fantôme, restaurant de l’Opéra de Paris, qui dialogue avec le bâtiment du XIXème, à la tour Antarès de Barcelone, reflétant l’esprit d’indépendance de cette région, les interventions d’Odile Decq insufflent dynamisme et vie aux lieux et espaces. Naviguant à contre-courant des tendances, cette personnalité unique manie avec dextérité l’ondulation, la courbe, la ligne brisée, l’acier, le verre, les miroirs et les couleurs contrastées. Nourrie de la culture punk rock des années 1980, qui a façonné le Londres moderne, elle nous propose, à la façon d’une mise en abîme, un univers complet embrassant l’urbanisme, l’architecture, le design et l’art. Récompensée, en 1996, par le Lion d’or de l’architecture lors de la Biennale de Venise et, en 2022, par le Chicago Atheneum International Award, elle innove, à tous les niveaux du processus, tandis que sa liberté créative la pousse au-delà de sa zone de confort. Qu’elles conversent avec les contextes historiques, défraient la chronique ou permettent la requalification d’un quartier, ses œuvres rebelles brisent les codes et ne laissent personne indifférent. Studio Odile Decq, c’est aussi une petite équipe de 15 personnes et la bonne taille pour pratiquer un métier de haute-couture : faire des recherches, être présente sur les chantiers et travailler avec des artisans. Instigatrice et fondatrice deux écoles d’architecture en France, Odile Decq est le symbole d’une génération de professionnels qui affichent une singularité et une farouche expression de soi. Son travail nous rappelle simplement que l’architecte est avant tout un artiste.
4/ OMA
OMA est un bureau international et une pratique dirigés par 8 partenaires, opérant dans les limites traditionnelles de l’architecture et de l’urbanisme.
OMA a fondé AMO, un studio de recherche et de design, appliquant la pensée architecturale à ses domaines et au-delà. OMA possède des bureaux à Rotterdam, New York, Hong Kong, Doha et Australie. Parmi leurs chantiers en cours, la rénovation de Kaufhaus des Westens (KaDeWe) à Berlin, The Factory à Manchester, le CMG Times Center à Shenzhen et le pont Simone Veil à Bordeaux. Au cœur des projets achevés récemment, le Taipei Performing Arts Center, Norra Tornen à Stockholm, le MEETT Toulouse Exhibition and Convention Center et un nouveau bâtiment pour le Brighton College. Dans leurs réalisations précédentes, la Fondazione Prada à Milan, le Garage Museum of Contemporary Art à Moscou, la Casa da Música à Porto et la bibliothèque centrale de Seattle. Avec ses 3 salles branchées sur un cube central, le Taipei Performing Arts Center cristallise l’évolution du théâtre du futur avec des espaces évolutifs favorisant de nouvelles connexions entre la scène et les coulisses, les acteurs et le public. Tandis que Galleria, première et plus grande franchise de magasins en Corée, avec sa façade en pierre texturée et mosaïque, évoquant la nature du parc voisin, offre de multiples facettes en verre pour dévoiler ses activités commerciales et culturelles. Et à Berlin, la rénovation du KaDeWe, grand magasin historique, a permis de fragmenter sa masse monolithique en plusieurs espaces adaptés à la clientèle différentiée d’aujourd’hui, tout en retravaillant les circulations. L’ensemble est coiffé par une toiture en verre et une cour à ciel ouvert, offrant une vue à couper le souffle sur la ville (oma.com).
5/ Herzog & de Meuron
Lauréats du prix Pritzker 2001 le duo d’architectes suisse enchaîne les projets tous plus spectaculaires les uns que les autres aux quatres coins du globe.
Herzog & de Meuron est un partenariat dirigé par deux architectes suisses, Jacques Herzog et Pierre de Meuron. Ils ont établi leur bureau à Bâle en 1978. Une équipe internationale composée de six partenaires, d’environ 40 associés et de 380 collaborateurs travaillent sur des projets en Europe, en Amérique et en Asie.
Voilà plus de quarante ans qu’ils conquièrent le monde grâce à une architecture grandiose née de leurs esprits très inventifs.
Le 56 Leonard Street à New York est une tour résidentielle de grande hauteur totalement en verre dont la différenciation des unités et les portes à faux créent une façade pixellisée qui la façonne dans son entièreté.
Ce chef-d’œuvre d’Herzog et de Meuron connu sous le nom de Jenga a changé la ligne d’horizon et la vision du monde de Lower Manhattan. Le magazine Engineering News-Record l’a qualifié de “meilleur des meilleurs projet résidentiel” pour 2017. Venant se nicher dans l’entrée, une œuvre de l’artiste britannico-indien Anish Kapoor, connue sous le nom de “The Bean”.
Au-dessus de l’Elbe, surplombant un ancien entrepôt en brique, la Philharmonie d’Hambourg est devenue l’emblème de la ville qui s’impose à présent comme ville portuaire mais également musicale. Les architectes l’ont conçue dans une enveloppe de verre, en creux et en bosses avec une crête ondulante, enserrant deux auditoriums, entre un hôtel et des appartements de luxe. Ce bâtiment impressionnant comprend également trois salles de concert avec une programmation musicale très diversifiée, un programme d’éducation musicale très complet, ainsi que la Plaza, une plate-forme d’observation qui s’élève à 37 mètres de hauteur pour offrir aux visiteurs des vues imprenables sur la ville.
6/ Glenn Sestig
Glenn Sestig, créateur de designs architecturaux et d’intérieur (inter)nationaux.
Formé à l’Institut Henry Van De Velde à Anvers, l’architecte belge a fondé son bureau d’architecture en 1999. Son travail monolithique et intuitif affiche invariablement une identité architecturale forte et raffinée. Privilégiant au départ les boutiques et salons de coiffure de luxe, il s’intéresse de plus en plus aux projets résidentiels depuis 2008. Depuis plus de vingt ans, Glenn Sestig alimente sa notoriété avec des prestations dans le monde entier, mariant modernité et élégance. Ses créations laissent clairement transparaître la tradition moderniste belge, dans un minimalisme et une élégance less-is-more. La zen attitude à l’esthétique scandinave est sa principale marque de fabrique. Ses maîtres-mots : précision extrême, constructions aux lignes d’horizon architecturales, proportions et perspectives inhabituelles. Le peintre Luc Tuymans et le designer Raf Simons comptent parmi sa clientèle.
7/ Frank (Owen) Gehry
Pape de la déconstruction, il est l’architecte le plus important de notre temps.
Musée Guggenheim à Bilbao, Vitra Museum, Fondation Vuitton…, sans oublier sa propre résidence à Santa Monica, Frank O’ Gehry est une star qui a débuté sa carrière en 1962, lorsqu’il a ouvert sa propre agence à Los Angeles, devenu Gehry Partners, LLP au début des années 2000. Son génie créatif explose à travers des constructions poststructuralistes composées d’un amalgame de bois, métal et verre. Formes et ondulations organiques, rubans courts et angles cassés, la réalisation des bâtiments extravagants, pouvant prendre l’allure de vaisseaux, s’appuie sur le Digital Project, un programme de modélisation 3 D, créé à l’origine pour l’industrie aérospatiale. Quant à la conception, on dit que le maître froisse des papiers pour construire ses volumes uniques. A 92 ans, Frank O’ Gehry n’a pas dit son dernier mot : son musée Guggenheim Abu Abi, à la construction proche d’une cathédrale, ouvrira en 2025 (foga.com).