L’écologie et la maîtrise de l’énergie sont devenues ses alliées, avec l’envie de combiner techniques de construction traditionnelles et innovations technologiques pour inventer un avenir vertueux. Dans ce domaine, la Belgique n’est pas en reste, elle, qui essaie de sortir du béton et active ses recherches expérimentales en mettant l’accent sur les matériaux biosourcés et vivants. À cet instar, le studio Bento Architecture explore notamment les qualités du mycélium, issu du champignon. Il a fait les temps forts de la Biennale de Venise, cette année. Mais n’y a t-il rien de plus vivant que la nature, celle que les architectes paysagistes recomposent, à son image. C’est la nature qui montre le chemin de nos lendemains radieux aux fils de Jacques Wirtz, à Erik Dhont ou à Bas Smets, là où la philosophie rejoint l’architecture. Les philosophes et les politiciens ne changeront pas le monde mais les architectes, qui repensent l’équilibre, entre la ville et la campagne, non, peut-être !

Dieter Vander Velpen

Dynamic couture architecture that balances minimalism and luxury.

Les cœurs du monde entier battent la chamade en découvrant la puissante architecture haute couture de Dieter Vander Velpen. À l’instar d’un créateur de mode, il traduit les souhaits du client en un tout cohérent, jusque dans les moindres détails. Amateur de tonalités neutres et de matériaux naturels de haute qualité tels que la pierre et le bois, il rend ses intérieurs envoûtants par un jeu de contrastes clair-obscur, durdoux ou encore lisse-rugueux. Cette tactilité dynamise ses créations, en parfait équilibre entre minimalisme et luxe.

Après des stages chez Vincent Van Duysen Architects et Adjaye Associates, Vander Velpen a fondé, il y a 10 ans, un bureau de quatorze architectes (d’intérieur), qui travaille sur des projets résidentiels et hôteliers à Anvers, sa ville natale, Tel-Aviv ou encore Los Angeles.

Eric Dhondt

He creates enchanting urban landscapes and gardens with infinite precision and poetry.

Basé à Bruxelles et Genève, Erik Dhont a fondé son propre cabinet en 1989 et travaille avec une équipe multidisciplinaire. Ses projets s’appuient sur une lumineuse connaissance de la nature et le profond respect qu’il ressent pour elle. La recherche est l’élément clé de ses conceptions et ses choix botaniques répondent à un subtil équilibre entre sa pratique, l’environnement et le bâti afin d’engendrer l’harmonie la plus parfaite. Réputé pour son expérience dans la restauration et la revitalisation de jardins et de paysages liés à l’Histoire et au patrimoine, il donne toujours priorité à une maintenance facile et au développement futur du lieu. Il a entre autres conçu un parc pour Dries Van Noten, est l’auteur du jardin du musée Picasso à Paris, mais a aussi élaboré des potagers communautaires, des cours de ferme, des jardins dans les dunes et a travaillé sur de nombreux projets urbains et des interventions paysagères en Suisse, en France, en Allemagne, en Californie et aux Açores.

Bento Architecture

How can architecture adapt to a world of finite resources and cities be turned into places that produce rather than consume?

En partant du constat que le secteur de la construction est reconnu comme l’un des plus polluants, ce collectif de jeunes architectes s’est lancé le défi de « bâtir autrement et sortir du modèle du béton ». Leur activité débute en 2020. L’expérimentation et la recherche de matériaux naturels vivants sont au centre de leurs réflexions, avec notamment le mycélium issu du champignon. Ce matériau biosourcé, qui peut servir à produire des briques ou des panneaux a très peu d’impact environnemental et peut être libéré dans la nature sans polluer le sol.

Après le départ de François Willemarcq, Corentin Dalon vient compléter l’équipe formée par Florian Mahieu et Charles Palliez. Il apporte ses connaissances de construction en terre, acquises notamment auprès de CRAterre à Grenoble.

Si Bento Architecture ambitionne de « spatialiser et concrétiser ses premières recherches et découvertes dans des projets d’architecture, d’installation, de mobilier (notamment Stool17) », il a d’ores et déjà engrangé de nombreux prix. Finaliste Terra Fibra Award 2021 et Finaliste Green Solutions Award 2021 dans la catégorie « Énergie et climat chaud » en collaboration avec L’Harmattan architecture pour « Xèwa Sowé », un centre pour enfants au Bénin, il est aussi lauréat du concours Europan 16 « Architecture Center for regenerative materials » où il proposait de transformer le CIVA en centre d’expérimentation et de production. Il était également cocurateur avec la philosophe Vinciane Despret, du pavillon belge « In Vivo », à la dernière édition de la Biennale d’Architecture de Venise qui fermait ses portes en novembre.

Awaa

“Are we all architects”, “Another wild architectural adventure” or “A Wittock Architectural Association”, 4 letters that are open to your interpretation

Charly Wittock est le défenseur d’une architecture ouverte. Il invite ses clients à collaborer activement dans le développement de leur projet commun… surtout s’ils ne sont pas architectes. Entouré de consultants de divers domaines, l’agence AWAA regroupe des professionnels, aux expertises différentes, qui interviennent à l’international. Pour eux, l’architecture est avant tout une aventure humaine et les meilleurs projets sont ceux qui mettent en avant une innocence.

De la diversité de leurs interventions, ces experts du challenge en ont fait un avantage. Leurs projets actuels les entraînent en Sicile, où ils créent une grande ferme organique en réhabilitant de belles ruines, dans le respect de l’ancien, associé à la technologie actuelle. Mais aussi au Rwanda, retrouver des techniques de constructions locales pour la création d’un hôtel avec suites, aménagées dans des cabanes au bord du lac Kivu, tandis qu’ils croisent ailleurs l’architecture balinaise avec des techniques de construction costaricaines. Un second projet de chai près de Bruxelles parfaitement intégré dans le paysage fait écho à celui de Bousval. Dans le domaine de l’architecture durable et agricole, AWAA travaille aussi sur une ferme pionnière dans la culture du chanvre en Belgique. Du résidentiel apportant un échange humain très intime et très riche, à l’industriel et le commercial qui permettent d’explorer, d’apprendre, de prendre des risques maitrisés, en passant par le culturel, permettant de rêver, tout en le rattachant à un pragmatisme pur et dur, AWAA dessine des pistes pour repenser l’architecture de demain.

Jacques Wirtz & fils

No one knows what paradise is, but everyone knows it’s a garden! Jacques Wirtz transformed these edens into works of art, combining a quest for innovation with a love of classicism. His sons are following in his footsteps.

Wirtz forged a reputation as an upholder of controlled biodiversity. Between pure vegetation and positive minerality.

L’homme poussait l’élégance jusqu’à la discrétion. Pourtant ses jardins exquis ont marqué l’art paysagiste du XX e siècle, bien audelà de nos frontières. Jacques Wirtz (1924-2018) a composé des jardins en s’attachant d’abord à l’harmonie qui relie la maison, le cœur de celui qui y habite et la nature qui l’entoure. Un jardin réussi, disait-il, est un jardin dont on peut penser qu’il a toujours été là. Cet architecte-paysagiste était intuitivement capable de « passer en douceur de l’ascèse totale retenue à une corne d’abondance sauvage et riche ».

Des jardins pleins de tempérament qui, chacun à leur façon, sont une rencontre au cours de laquelle Wirtz se fit emblème d’une biodiversité maîtrisée, organisée et dessinée par lui pour le plaisir de leurs bénéficiaires. Qu’il s’agisse de jardins privés ou publics. Libre de tout préjugé stylistique, loin des mouvements et des écoles, Wirtz s’est imposé par sa vision très personnelle des jardins, entre épure végétalisée et minéralité positive, sans oublier la présence fondamentale de beaux arbres. Installé à Schoten, il fonde la société Wirtz International Landscape Architects et devient célèbre notamment en exaltant l’art topiaire (typique des jardins du nord de l’Europe) auquel il a su donner un souffle nouveau. À Paris, il fut lauréat du concours pour la rénovation des jardins du Carrousel du Louvre. Il interviendra aussi au Palais de l’Élysée (sous Mitterrand) en lançant une campagne de « replantations » et en créant des bassins. Les raisons de son succès ? Martin et Peter Wirtz, ses fils, vous diront que leur père avait une force de travail peu commune, que sa curiosité intellectuelle était sans cesse en éveil, rien ne l’arrêtait. Il fut un chef de file parmi les paysagistes de son temps.

Bas Smets

Bas Smets has been chosen to landscape the surroundings of Notre-dame Cathedral. The heart of Paris in the green hands of this 2.0 “landscape inventor”, as he likes to call himself.

“I think long and hard about how the gardens that I design today will look decades from now.”

On peut changer le climat en intervenant sur le paysage. Il convient de convertir les villes en de complexes systèmes éco-urbains. C’est notamment sur la base de cette philosophie que Bas Smets (48 ans) a été choisi pour repenser et réaménager le parvis et les jardins, jusqu’aux rues qui jouxtent Notre-Dame de Paris. Un choix aussi motivé par la sobriété du projet proposé. Un « rectangle » de verdure dont le calepinage poursuit à l’extérieur la géométrie intérieure de la cathédrale et une promenade cintrée de nombreux arbres pour créer davantage de zones d’ombre. Le tout rafraîchi par un système (simple) d’écoulement d’eau de pluie (récupérée et stockée dans les parkings) qui va irriguer sur le parvis en cas de forte chaleur estivale. Ce projet, éminemment écoresponsable, est mené à bien en collaboration avec le bureau d’urbanistes GRAU et, pour la partie patrimoniale, avec le bureau d’architectes Neufville-Gayet.

Imiter la nature n’est pas une fin en soi, dit Bas Smets. En revanche, il faut utiliser ses logiques pour composer un paysage et imaginer ce qui se serait passé si nous n’avions rien fait. Raison pour laquelle l’architecte-ingénieur-paysagiste travaille avec le temps, en pensant à la croissance, aux saisons et aux transformations cycliques. « Nous pensons à la façon dont ce que nous construisons aujourd’hui deviendra dans plusieurs dizaines d’années. »

Entre autres projets développés dans le monde : un jardin (très) haut perché à Hong Kong, le jardin vertical du Mandrake Hotel à Londres, le parc de la Fondation Luma à Arles (en dialogue avec l’architecture de Frank Gehry), un front de mer (Himara) en Albanie, la végétalisation du site de Tour & Taxis, etc. Sans oublier le « Mémorial » lové dans la forêt de Soignes en l’honneur des 32 civils tués dans les attentats terroristes de Bruxelles en 2016.