Villa E-1027, une maison à la mer moderne et historique en Côte d’Azur

Un monument national au design exclusif signé Eileen Gray à découvrir au bord de la Méditerranée

L’histoire d’une maison-emblème de l’architecture moderne

La Villa E-1027 (1917-1929) fut la première construction du Cap Moderne. Un ensemble architectural qui a traversé toutes les époques. Depuis sa création, la villa est devenue une marque intemporelle du modernisme en design et synonyme d’un nouveau luxe en architecture.

Rouvert au public en 2015, le site du Cap Moderne regroupe trois emblèmes du patrimoine immobilier moderniste : la Villa E-1027 conçue par la designer irlandaise Eileen Gray (1878-1976) et son compagnon d’alors, l’architecte français Jean Badovici (1893-1956) ; le Cabanon et les Unités de Camping créé par Le Corbusier ; et l’Étoile de Mer, bar-restaurant de Thomas Rebutato, ancien artisan du bâtiment originaire de Nice.

Remarquable et inoubliable, cette villa moderniste dessinée par l’Irlandaise la plus connue de l’Histoire des arts décoratifs est aussi objet de controverse.

Pendant longtemps, Jean Badovici eut le crédit pour la conception de cette villa de vacances avec vue sur mer. Sa création est pourtant celle de la designer d’origine irlandaise Eileen Gray. Il est connu que Le Corbusier tenta même d’acheter cette maison originale aux prestations modernes avant de vandaliser la propriété durant les années 1930. Plus tard, la maison fut transformée en centre d’entraînement pour les soldats allemands pendant la Seconde Guerre mondiale.

Pensée véritablement comme une maison en bord de mer pour accueillir ses amis, le concept de cette maison tel qu’imaginé par Eileen Gray est la proposition d’une nouvelle esthétique architecturale pour le 20ème siècle.

La villa d’une femme architecte au Cap Moderne : permis de construire et d’inspirer

Née en 1978 en Irlande, Eileen Gray a déjà une dizaine d’années de pratique derrière elle et une solide réputation dans le style Art déco quand elle ouvre sa propre boutique de design à Paris en 1927. Elle y fait la rencontre de l’architecte français Robert Mallet-Stevens. Celui-ci va aménager l’élégante Villa Noailles à Hyères, dans le sud de la France, avec l’un de ses tapis et de ses meubles.

Suite à ses rencontres avec l’architecte et designer Pierre Chareau (avant qu’il ne construise sa fameuse Maison de Verre à Paris), et les créateurs du mouvement artistique De Stijl, Eileen Gray fait l’achat d’un terrain en France. Elle y fait construire une villa selon ses propres termes. L’achat se fait au nom de Badovici, Jean, architecte et critique d’art dont elle devient la compagne.

Synonyme de luxe moderniste — épuré, géométrique, essentiel — le design chic  tel qu’imaginé par Eileen Gray habite pleinement cette villa. L’habitation devient immédiatement mythique et une inspiration clé pour les femmes architectes, comme Lina Bo Bardi.

En 1947, l’ingénieur niçois Thomas Rebutato (1907-1971) commence la construction d’un restaurant à côté de cette villa. Ses murs accueillent les peintures de l’architecte d’origine suisse Charles-Edouard Jeanneret (1887-1965). Le Corbusier, le maître de l’architecture moderne parvient à obtenir un terrain à côté de la Villa E-1027. Il y érige une habitation de vacances selon ses règles de productions standardisées. À l’intérieur, les aménagements en bois comme les cloisons et les rangements multiplient l’espace et offrent couleur, harmonie et ordre. Le Corbusier décédera accidentellement lors d’une baignade au pied de cette construction.

À ce jour, le Cabanon de Le Corbusier demeure l’une des rares réalisations du département français des Alpes-Maritimes inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO. La Villa E-1027 a quant à elle obtenu de figurer au classement de Monument Historique dans l’Hexagone.

La conception d’un bâtiment à l’architecture ouverte entre intérieur et extérieur dans le sud de la France

Par son nom, la Villa E-1027 symbolise l’union intellectuelle et amoureuse entre les deux créateurs Eileen Gray et Jean Badovici. Son nom repose sur le  « E », comme Eileen Gray, « 10 » pour le « J » de Jean, lettre numéro 10 de l’alphabet, « 2 » pour le « B » de son nom de famille (deuxième dans cet ordre) et « 7 » pour le « G » de Gray.

• Vu de l’extérieur, la nouvelle esthétique architecturale promue par cette villa en béton armé et briques repose sur un plan libre. Le corps du bâtiment est perché sur des pilotis. La face avant de la maison est dirigée vers la mer. Les jardins sont constitués de pins qui offrent un peu d’ombre. Tourné face au panorama, le salon en profite. Derrière a été installée une cuisine extérieure.
• L’intérieur a entièrement été dessiné par Eileen Gray. 120 mètres carrés d’espaces multifonctionnels comprenant un séjour, une chambre-studio, une salle de bain, une salle d’eau, un sanitaire, une cuisine. La structure des baies vitrées de l’espace principal, dite en accordéon, est iconique et résulte d’un brevet déposé par Jean Badovici.
• Le mobilier outdoor avant le mot qui compose la Villa E-1027 est parmi les plus emblématiques du design du 20ème siècle. Le fauteuil Transat est l’un d’entre eux. Il est inspiré de l’esthétique des paquebots. Indoor, les pièces de design d’Eileen Gray s’enchaînent : fauteuil Bibendum en cuir et tube d’acier chromé, table de chevet circulaire E-1027, au nom de la villa, et miroir mural articulé Satellite sont des inventions au style époustouflant pour leur époque. Des œuvres qui sont devenues de grands classiques, certaines désormais rééditées par la marque de mobilier design allemand ClassiCon.

Le chantier de la rénovation de la villa d’Eileen Gray dans le patrimoine du littoral méditerranéen

Amoureux du patrimoine architectural français du siècle dernier, l’homme d’affaires anglais Michael Likierman, installé en France depuis le début des années 1990, a acquis plusieurs lieux pour les rénover. Les Colombières, une villa conçue par l’écrivain et dessinateur Ferdinand Bac à Menton, ville du département des Alpes-Maritimes sur la Côte d’Azur, fut son premier projet de restauration. Le jardin de Serre de la Madone, dessiné par le paysagiste britannique Lawrence Johnston, fut le second. En 2007, il décide d’entreprendre des travaux à la Villa E-1027.

« Des travaux avaient été précédemment réalisés, mais il n’y avait pas de vision d’ensemble et le Conservatoire du littoral, propriétaire des lieux, ne parvenait pas à s’en sortir », explique-t-il. « La villa d’Eileen Gray a toujours été un lieu très habité. Quand Jean Badovici meurt, la demeure est vendue à un Suisse qui y vit sans faire de dégâts jusqu’en 1980. Puis la maison se détériore progressivement jusqu’aux années 2000 et perd de sa superbe. L’État qui récupère le bien, après une vente aux enchères de celui-ci par Sotheby’s, ne parvient pas à trouver la bonne méthode de rénovation. C’est en créant l’association Cap Moderne que j’ai réuni passionnés, professionnels et experts tombés sous le charme de cette architecture afin de la restaurer comme elle était en 1927. »

« Nous avons par exemple dû refaire à la main du verre à pointe de diamant, un matériau ordinaire très utilisé à l’époque de Gray. Les processus de rénovation que nous avons choisis ont permis de rester aussi fidèle que possible à l’esprit de la conceptrice. Nous nous sommes pour ce faire appuyés sur un numéro de 1929 du magazine L’Architecture vivante. Il répertorie l’ensemble de la conception et des détails de cette réalisation. La Villa E-1027 est le seul lieu existant où l’on peut voir et comprendre le génie d’Eileen Gray en tant qu’architecte et designer d’intérieur. »

Informations pratiques et rendez-vous à l’esplanade de la gare de Cap-Martin Roquebrune, 06190 Roquebrune Cap-Martin, France
+33 (0)4 89 97 89 52
capmoderne@monuments-nationaux.fr

Réservations des visites (en anglais ou en français) sur le site du Centre Monuments nationaux : capmoderne.monuments-nationaux.fr