Sur/Reality

Tel était le thème fédérateur du salon Maison&Objet, Paris Nord Villepinte, du 16 au 20 janvier 2025. Les exposants ont joué le jeu !

Traduction | Villas
4 minutes
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What’s New In Decor, Maison&Objet, Janvier 2025. Photo : © Anne-Emmanuelle Thion

L’année 2025 sera polychrome ou ne sera pas : Fantaisie de motifs vibrants et joyeux, jeux d’optique, rayures ondulatoires et déformantes, formes géométriques, abstraites voire psychédéliques, dans une nouvelle interprétation du cubisme et du futurisme, un lumineux langage se profile, en lutte contre la morosité, avec l’énergie des couleurs positives et le dynamisme d’influences anticonformistes. Côté formes la liberté de l’imagination et de la création reprend le pouvoir avec une déferlante d’idées néo-surréalistes. Quant aux matières, elles évoquent des textures vivantes et expérimentales, à la surface accidentée, à la façon des produits artisanaux, toujours uniques. L’univers de l’invitée de l’année, la designer britannique Faye Toogood , fait écho à ce thème pour lequel elle a réalisé le Surreality Pavillon Walnut Head. Multidisciplinaire et avant-gardiste, la pratique de cette artiste atypique s’étend de la décoration d’intérieur au design d’objets en passant par les arts plastiques et la mode.

What’s New In Decor, Maison&Objet, Janvier 2025. Photo : © Anne-Emmanuelle Thion

De nouveaux horizons créatifs

Dessinant un univers surréaliste sur un mode plus contemporain, qui remplace l’écriture automatique ou les cadavres exquis d’ André Breton par l’IA, la Sur/Reality bouscule l’ordre établi en faisant entrer le merveilleux et l’inattendu dans notre quotidien. Illustré dans les espaces tendances de l’experte Elizabeth Leriche dessinant des univers fantasques, les formes se nourrissent de rêves, de mythes, de souvenirs d’enfance et de voyages dans l’inconscient et le surréel. On plonge alors dans un monde parallèle et merveilleux. Façon ready-made, tout est possible, selon le principe du détournement de fonction : Design organique et formes animalières, faisant référence à l’anatomie humaine, volumes informels en hommage aux montres molles de Dali, objets revisités et réinterprétés, matières en trompe-l’œil, les créations délivrent leurs sources d’inspiration, avec un sens de l’humour et du second degré. Notre préférence est allée aux nouveautés éditées chez Serax, « Les Objets Mouleversants » de Wouters & Hendrix, reprenant les codes des années 1920.

Collection « Les Objets Mouleversants », design Wouters & Hendrix chez Serax (serax.com)

Une invitée audacieuse et ludique

Consacrée designer de l’année, la talentueuse designer britannique Faye Toogood était déjà la star de la design week salon de Milan en avril 2024, Espiègle et touche-à-tout, cette créatrice, aux multiples facettes, navigue entre le Collectible Design et les éditions, grand public, plus démocratiques. Outre sa marque Toogood Homeware, Faye Toogood développe sa propre marque de céramique où elle met en valeur les pratiques artisanales de la poterie dans les tons crème et charbon noir. Elle collabore également avec les plus grands éditeurs comme CC-Tapis, Tacchini, Poltrona Frau ou des marques plus modestes mais très créatives comme Maison Matisse. A New-York, elle est représentée par la galerie Friedman Benda. Inspirée par la campagne anglaise où elle a passé son enfance, Faye Toogood dessine des formes organiques et les colore souvent avec une palette tirée de ciels sombres. Poignée de porte créée à partir d’un crâne trouvé dans la nature, suspension lumineuse en papier froissé avec « lueur diffuse placée au milieu comme un jaune d’œuf » ou siège à la forme créée par l’enfoncement de doigts dans l’argile, les idées de Faye Toogood n’ont pas été conçues à partir d’un ordinateur mais façonnées par sa main. Sa fantaisie débridée produit des objets aux volumes surprenants et biomorphiques.

Woman Manifesto, Landscape, Espace Faye Toogood, Maison&Objet 2025. Photo : © Celia Spenard

Une star internationale 

Depuis le succès mondial de son fauteuil Roly-Poly, à l’assise tout en rondeurs, campée sur quatre pieds robustes, édité en 2014 par Driade, le chemin parcouru est impressionnant. La collection Cosmic, première collaboration avec la firme Tacchini, décline un canapé sculptural moelleux comme une pile d’oreillers, une table en forme de galet, une étagère ovale… Tandis que la troisième ligne de tapis Rude, conçue avec cc-tapis, explore les matériaux, leur beauté brute, leurs reliefs, associés à une harmonie de couleurs fortes et provocantes, rose vif, rouge sang, orange et lilas, empruntée aux toiles du peintre Francis Bacon. Conçues en collaboration avec Poltrona Frau, les pièces de la ligne Squash exploitent le confort et l’allure décontractée du rembourrage, enveloppés dans de somptueuses lignes courbes. Sorti de son contexte classique, l’effet matelassé habille de façon anticonformiste un fauteuil et son pouf, une table d’appoint, des miroirs… Comme un ouvrage de maroquinerie, un sac amené à vieillir et à se patiner. Faye Toogood a ainsi valorisé les plis du cuir, à la façon de rides symbolisant la beauté du temps qui passe. Les pièces seront encore plus belles dans 20 ans !

Woman Manifesto, Drawing, Espace Faye Toogood, Maison & Objet 2025 (fayetoogood.com). Photo : © Celia Spenard

Une « mousson » pleine de promesses 

Du côté des Rising Talent Awards, six jeunes designers venus de Corée du Sud ont été sélectionnés pour représenter une nouvelle génération de créateurs, en prise avec leur temps, revisitant des traditions ancestrales, comme Dahye Jeong, tissant le crin de cheval sur des moules en bois inspirés par les antiquités et céramiques anciennes. Hwachan Lee et Yoomin Maeng de Kuo Duo développent des expériences diverses, éditions limitées, créations industrielles et installations spatiales : les idées se croisent et nourrissent les unes des autres, avec une préférence pour les matériaux naturels et le plastique recyclé. Tandis que Minjae Kim explore des matériaux comme la fibre de verre matelassée. Le studio Niceworkshop réutilise les matériaux de l’industrie et a conçu une collection de meubles en acier, assemblés avec des boulons, selon le principe du Meccano. Woojai Lee a jeté son dévolu sur les vieux papiers et valorise l’imperfection. In Yeonghye, quant à elle, fabrique des meubles en tissu 3D. Ces profils pluridisciplinaires, flirtant avec les frontières de l’art, de l’artisanat, de la science, de la technologie… témoignent de l’évolution du design, un terrain de jeu très inspirant, nourri de paradoxes et d’influences éclectiques.

Rising Talent Awards, Studio Niceworkshop, Maison & Objet 2025 (niceworkshop.net). Photo : © Anne-Emmanuelle Thion