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Une enfance bercée de design
Un talent pour le design intelligent coule dans les veines de la famille Starck. André, le père de Philippe, était un ingénieur aéronautique dont le métier consistait à améliorer des créations existantes, une mentalité qui a profondément inspiré son fils. Derrière les tables à dessin de son père durant la majeure partie de son enfance, le jeune Philippe développe un appétit insatiable pour le design. Il se plaît à dire que son père « a fait de l’invention un devoir ». Son diplôme de l’école Camondo de Paris en poche, Starck est remarqué par Pierre Cardin, qui l’engage au poste de directeur artistique de sa maison d’édition de meubles en 1969.
En route vers la gloire mondiale
Durant les années 70, Starck s’aventure dans le monde de l’aménagement intérieur et décore des boîtes de nuit parisiennes branchées comme La Main Bleue et Les Bains Douches. En 1979, il crée sa première société de design industriel, Starck Product, qu’il rebaptisera plus tard Ubik, en référence au célèbre roman de science-fiction de Philip K. Dick. Très vite, l’enfant prodigue français commence à travailler avec quelques-uns des plus grands éditeurs de la planète, comme Alessi, Kartell et Vitra. Mais il ne connaît vraiment la gloire que dans les années 80, lorsque le Président français François Mitterand lui confie la décoration de ses appartements privés à l’Élysée. Cette prestigieuse mission propulse la carrière de Starck et le fait connaître au grand public.
La rock star du monde du design
Dans la décadence des années 80, le nom et les créations de Starck sont partout. Le designer s’associe alors à l’hôtelier Ian Schrager, le cofondateur de l’iconique Studio 54, et ensemble, ils décorent des hôtels comme le Delano à Miami et le Mondrian à Los Angeles. Les créations hôtelières de Starck se caractérisent par des détails singuliers et cocasses, souvent à mi-chemin entre le chic et le kitsch, mais toujours innovants et originaux. Il n’a de cesse de décorer des hôtels et des restaurants, un de ses projets les plus récents étant Le Brach, un élégant cinq étoiles à un jet de pierre de la Tour Eiffel, où il a créé un « lieu de vie et de culture unique », dans un style années 30 réinventé.
Une œuvre truffée de designs emblématiques
Au cours de sa longue carrière, Starck a créé plus de 10 000 designs, de cure-dents et pâtes à des restaurants complets. Son style contemporain reconnaissable imprègne beaucoup de ses créations. Leur point commun : un look aérodynamique, des formes galbées, des textures lisses et des combinaisons de matériaux originales, le tout ponctué d’un sens de l’humour décalé. Starck est aussi connu pour son approche étonnante du design. Considéré au début de sa carrière comme étant plutôt subversif et provocateur avec son anti-design, il se tourne aujourd’hui vers un style assez formel teinté d’écologie. Un des hauts faits de sa longue carrière est le design révolutionnaire du café parisien Costes en 1984, qui a donné un coup de neuf à la culture du café français. À peine six ans plus tard, pas moins de 400 000 copies de la chaise Costes avaient été écoulées. L’iconique presse-agrumes Juicy Salif créé pour Alessi et la chaise transparente Louis Ghost pour Kartell font aussi partie de la mémoire collective actuelle du design. Ses nombreuses créations ont cependant un dénominateur commun : toutes sont belles, utiles et accessibles au plus grand nombre possible.
Une philosophie du design démocratique
Pour Starck, il était clair dès le départ que ses créations ne seraient jamais destinées à une élite. Il nourrissait une philosophie plus démocratique, qu’il décrit comme « améliorer la qualité tout en s’efforçant de la rendre accessible au plus grand nombre, avec des prix justes ». Une vision qui l’amène à collaborer avec la chaîne américaine Target en 2002, pour laquelle il créera la collection Starck Reality, une cinquantaine d’objets du quotidien, de brosses à dents à des sèche-cheveux et dévidoirs de scotch. Un autre exemple de cette philosophie est la Starck House préfabriquée abordable créée en 1994 en collaboration avec le catalogue de vente par correspondance 3 Suisses.
Rêver d’un monde meilleur
Un autre concept auquel Starck s’oppose fermement est « l’art pour l’art ». Un produit doit avant tout être utile : « Qu’il s’agisse d’une brosse à dent, d’un avion ou d’une chaise, il s’agit toujours de la même philosophie : penser au profit qu’en tire l’utilisateur. » Ses créations doivent aussi contribuer à un monde meilleur. Starck a été l’un des premiers à imaginer des concepts de voitures à l’hydrogène, bateaux solaires ou éoliennes individuelles. Soucieux de tirer le maximum du minimum, il s’efforce d’utiliser le moins de matière et d’énergie possible. Il refuse en outre de travailler pour des entreprises qui nuisent à la nature ou à l’homme, comme l’industrie du pétrole, du tabac ou de l’alcool.
Les yeux tournés vers l’avenir
Philippe Starck a un héritage dont la plupart des designers ne peuvent que rêver, mais le génie de 72 ans ne pense pas encore à la retraite. Il a récemment dessiné une chaise durable pour la marque de mobilier espagnole Andreu World, laquelle sera lancée lors de la Semaine du Design de Milan 2021, et il a un projet d’hôtel futuriste qui ira chatouiller le ciel parisien et qui ouvrira ses portes au printemps 2022. Un exemple frappant de l’esprit visionnaire et bouillonnant d’inventivité de Starck. Pour reprendre les mots du designer : « Il n’y a pas de travail dans ma vie ! Il n’y a que du jeu, de la curiosité, de la générosité, de la vision. »