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La Belgique est aussi une terre d’adoption pour de nombreux designers, venus d’ailleurs, qui trouvent, ici, des ateliers pour expérimenter, prototyper et produire. Au carrefour de l’Europe, la situation géographique de la Belgique permet de communiquer avec tous les pays. En témoigne la réussite des ateliers de Zaventem, pépinière de créatifs sous l’égide de Lionel Jadot, qui propose un nouveau modèle économique. Il a été récemment mis en œuvre dans la rénovation de l’Ancienne Royale Belge devenu Le Mix, un lieu unique, réinventant les codes de l’hôtellerie. Les designers qui travaillent sur le sol belge sont avant tout des makers et des inventeurs, amoureux des matières, comme Roxane Lahidji avec son marbre de sel, Thibault Huguet et ses vases issus de fontaines pétrifiantes, Vladimir Slavov et ses créations en bronze…
Muller Van Severen
Clear lines, furniture with an overtly sculptural feel and an unabashed palette of colours. Muller Van Severen are a husband and wife team with a shared passion who inspire us to think about how we want to live today.
Coup de foudre à Anvers. Fien Muller (elle) est photographe, Hannes Van Severen (lui) est sculpteur. Leur rencontre marque le début d’une collaboration fructueuse. On peut même parler de fusion créative ! Comme le Ying et le Yang, Bonnie and Clyde, Dupont et Dupond, Muller Van Severen travaillent à deux. Entre l’art, l’architecture et le design industriel, leur cœur balance. Le duo se lance alors dans une quête inspirante d’objets d’ameublement aux qualités sculpturales distinctes, leur travail impliquant aussi l’espace environnant. Une brillante combinaison entre une sobriété formelle et une gamme chromatique audacieuse, alternant les matériaux nobles et des matières industrielles relativement banales. En résultent des meubles et des objets, souvent multifonctionnels, qui semblent prendre forme de manière presque intuitive, sans effort apparent, comme si les designers dessinaient dans l’espace avec un simple coup de crayon.
Faut-il rappeler que Muller Van Severen ont remporté de nombreux prix, collaboré avec des labels prestigieux (Valerie_objects, Hay, Hermès, Kvadrat, KASSL Editions, Reform Copenhagen), exposé dans des galeries (Galerie Kreo, Andreas Murkudis, Tim Van Laere Gallery) et des musées (Vitra Design Museum, Centre Pompidou, Musée d’Art Décoratif de Paris). Ils ont aussi été invités à la Villa Cavrois (manifeste architectural du courant moderniste français) pour une exposition magistrale librement inspirée par l’œuvre de son créateur, Robert MalletStevens. Un travail qui se situe tout logiquement à la frontière entre le modernisme et l’avant-garde la plus expressive.
Xavier Lust
Xavier Lust’s latest works, in limited edition, enter into a dialogue with his earlier pieces. A shift towards works of art that is a logical evolution.
Ces pièces de mobilier hors normes sont le résultat de prouesses mécaniques et technologiques. De pliages en courbures, de déformations en torsions, Xavier Lust approche la matière pour la dompter. La tôle métallique reste son matériau de prédilection. Au verre, il a offert une grande liberté d’expression. D’abord édité par les maisons fondatrices du design italien comme MDF Italia, Driade, De Padova, Baleri ou Fiam, depuis 2006, il met au point des pièces de facture exceptionnelle, présentées en galerie. Il est entré dans le champ du Collectible Design, grâce à son banc iconique en aluminium, qu’il a perforé pour le soustraire aux graffitis de l’espace public bruxellois, et la collaboration de la Carpenters Workshop Gallery. Il donne désormais libre cours à ses idées, encore plus inspiré par la matière et ses procédés de fabrication. Il matérialise ses créations en travaillant directement avec des artisans européens. Depuis 2017, la galerie new-yorkaise Ralph Pucci le représente à l’international avec des pièces uniques et des projets sur mesure. Ses 3 nouvelles collections révèlent une réflexion sur les volumes, la lumière et ses multiples reflets, avec un focus sur l’actualité et les nombreux enjeux climatiques. Dans une époque où la production de meubles et d’objets en série est en mutation, cet éco-designer privilégie, depuis les années 1990, les matériaux recyclables et naturels, les formes sculpturales, hors mode. En ligne de mire, une prochaine collaboration avec la firme Bugatti, qui favorise la production de pièces exceptionnelles, faites pour durer.
Georges Pelletier
Fluency in the language of clay opens a new chapter in the world of art.
Modeler la terre… une addiction pour Georges Pelletier qui y a très vite trouvé ses marques et imposé son remarquable savoir-faire. Belge d’origine, il a passé son enfance à Fleurus et étudié à Paris avant de travailler chez Claude Pantzer. C’est aussi à cette époque qu’il côtoie Fernand Léger et Charlotte Perriand. Il ouvre bientôt son propre atelier où il est repéré par la maison Bobois pour qui il produit des luminaires. Cannes l’attire et c’est là qu’il devient ce céramiste reconnu dans le monde entier et œuvre toujours aujourd’hui.
Ses pièces uniques qui multiplient avec art billes, perforations, miroirs, tiges et pastilles affolent les compteurs avec des objets signatures comme ses lampes soleil et ses totems. Transmission assurée avec son fils Benjamin qui apporte ses compétences aux nombreux projets et expos, en se coulant, pour le moment, dans l’univers si particulier de son père. Christophe Declercq, directeur de la galerie Passé Simple à Knokke, les représente pour l’Europe du Nord.
Jules Wabbes
Jules Wabbes’ legacy includes some remarkable designs, both private and public, as well as furniture that is still in production today. A modernity that never ends.
Il était fasciné par des créations et des matériaux qui résisteraient au temps. L’expression même d’un design intemporel associant le beau au fonctionnel dans un esprit de sobriété parfaitement maîtrisé.
Architecte d’intérieur, designer, mais aussi photographe, antiquaire, décorateur, Jules Wabbes (1919-1974) avait le chic de s’entourer des meilleurs artisans, transgressant la frontière entre le classicisme et la modernité. Dans les années 1950-60, hors de toutes tendances ou système de mode, il fonde « Le Mobilier Universel », sa société d’édition et de diffusion. Ses tables, bureaux, bibliothèques, luminaires, en bronze, laiton, acier et bois précieux, témoignent d’un sens de l’équilibre, une envie de confort et un amour de l’innovation technique. On lui doit notamment le Pavillon International de la Science à l’Expo Universelle de Bruxelles, l’aménagement de l’ambassade des USA à La Haye (construite par Marcel Breuer), le Résidence Palace à Bruxelles, le siège de Glaverbel à La Hulpe, le Drugstore Louise ou l’agencement des cabines des avions de la Sabena. Son travail nous renvoie à la création même du design industriel, lorsque celui-ci était encore au service de l’individu et non du designer lui-même. Un mobilier d’une implacable beauté sculpturale qui aboutit à une sorte d’universalité. Raison pour laquelle Caroline et Vincent Colet ont redonné vie à la société « General Decoration » (créée par Wabbes en 1969), qui réédite en série limitée certaines pièces de son mobilier destinées à durer, s’engageant à respecter les mêmes normes d’excellence « made in Belgium » attendues par leur fondateur.
Christophe Gevers
Design Museum Brussels pays tribute to the extraordinary talent of Christophe Gevers.
Jusqu’en mars 2024, le Design Museum Brussels nous invite à (re)découvrir l’univers d’une des figures marquantes du design et de l’architecture belge de la seconde moitié du XX e siècle. Avec un brio singulier et animé par l’ambition de rendre les espaces bâtis plus humains, Christophe Gevers (1928-2007) a su mettre en valeur l’utilisation de matériaux bruts qui vieillissent bien. Lui, qui s’intéressait au présent, à l’avenir et à ce qu’il appelait le « passé bien dépassé », était tout à la fois dessinateur, ingénieur, menuisier, mécanicien. Un artisan autodidacte, au sens noble du terme, dont les dessins, plans, esquisses, maquettes furent autant d’outils de travail pour visualiser un projet, préciser son fonctionnement et ses mécanismes, et mieux transmettre les intentions du créateur. On lui doit entre autres la chaise TBA dessinée pour la Taverne des Beaux-Arts (1959), la lampe CG01 pour le Cap d’Argent (1968), et saviez-vous qu’il avait imaginé l’aménagement du premier fastfood (Quick Porte de Namur) en 1984 ? Un livre vient également d’être édité sur l’œuvre de cet « homme inclassable » (texte et photos de Jean-Pierre Gabriel).
Thibault Huguet
A fervent advocate of authentic techniques and materials, Thibault Huguet is sketching out the future of design, with hand-crafted, pared-down pieces.
Né en France, dans le Massif central, après une formation à l’École Supérieure d’Art et de Design de Saint-Etienne, Thibault Huguet travaille dans différentes agences de design avant de créer son propre studio, en 2020. Installé à Bruxelles, il poursuit sa collaboration avec de grandes marques de luxe comme Cartier et Paco Rabanne et ses recherches personnelles l’entraînent vers des métiers anciens, des procédés industriels, comme le vase Lusus Naturae en calcaire d’Auvergne, formé à partir du ruissellement des eaux des Fontaines Pétrifiantes de Saint-Nectaire en Auvergne. À la façon d’une sculpture de Naum Gabo, le dessin du banc Zeppelin met en exergue une technique d’assemblage avec des plans agencés perpendiculairement, qui s’effleurent et semblent tenir par lévitation.
Le banc Equarri met en évidence la technique de l’équarrissage, employée par les charpentiers et consistant à transformer une grume de bois ronde en poutre carrée. La brutalité du geste se retrouve dans l’empreinte laissée par l’outil contrastant avec la finesse des parties sculptées. Le pied de la Lampe 1 utilise des cornières standard en U et L et un fond de cuve d’extincteur. Le travail de Thibault valorise l’économie de la matière et des interventions humaines. Avec les designers JeanBaptiste Anotin et Helder Barbosa, il a formé le collectif Meet-Met-Met, réunissant des designers internationaux pour réfléchir sur un thème décalé, un objet subversif. Cette année, pendant la Design Week parisienne, le cendrier s’est décliné en 20 créations renouvelant son usage et ses formes classiques.
Roxane Lahidji
With her marbled salts concept, Roxane Lahidji has conquered the hearts of belgium and galleries the world over. A deep dive into the magic of the material!
Formée à la Design Academy d’Eindhoven, après un cursus à la Haute École des Arts du Rhin de Strasbourg, cette passionnée de graphisme et d’illustration, a trouvé son écriture dans la mise au point d’une matière. Avec son béton de sel moulé, pressé et teinté avec des pigments et verni, Roxane peut fabriquer des pièces jusqu’à plus de 3 m de longueur.
Ses créations sont réalisées avec 90 % de sel en sacs, un matériau en abondance et très bon marché, et 5 % de gomme de Dammar, une résine transparente, issue du pin, qui protège le matériau de l’humidité. Combinant méthodes de basse technologie et techniques artisanales, le procédé issu du crossover et du croisement de différentes disciplines, en s’inspirant de la technique italienne de la scagliola, un stuc de marbre à base de plâtre, résine et colle de lapin. Les pièces sont polies à la main pour obtenir de belles finitions brillantes. Dans les nouvelles orientations de ses expérimentations, elle développe des collaborations avec des designers comme Clémentine Le Guérec, les architectes italiens LitStudio ou la brodeuse d’art Aurélie Lanoiselée, où elle mêle, pour former un luminaire arachnéen, fibres optiques et cristaux de sel. Ses créations actuelles sortent du noir et blanc, nuancé de gris, explorent la gestuelle avec un dessin marqué au lavis, un geste fort comme un coup de pinceau ou révèlent un effet minéral de granit. Le marbre de sel s’associe à l’inox, au caoutchouc, se teinte de rose et de bleu façon aurore boréale, des ocres de l’onyx. L’aspect durable de ses créations a notamment séduit la nouvelle galerie bruxelloise Augusta.
Linde Freya Tangelder
Craftsmanship and tactility play a key role in the poetic, finely wrought creations by Linde Freya Tangelder. In doing so, she seeks to stimulate our senses.
Ces dix dernières années, Linde Freya Tangelder s’est hissée au sommet du monde du design avec son studio Destroyers/Builders. Elle a imaginé sa propre version de la chaise Médaillon de Dior en 2021, et a déjà lancé une collection de meubles et de luminaires chez Cassina. Ces pièces de design industriel prolongent les objets uniques qu’elle a créés pour les galeries Carwan et Valerie Traan. Elle puise son inspiration principalement dans l’architecture, ses matériaux et ses techniques. Comme l’indique le nom de son studio, elle déconstruit des éléments architecturaux et en réduit l’échelle.
Il en résulte une composition abstraite qui fait ressortir d’autres qualités de la forme. Elle gravite davantage autour d’une idée conceptuelle que d’une fonction. Ses collections les plus récentes reposent sur l’architecture avec des blocs de forme organique comme ceux que l’on trouve dans les villes italiennes, mais aussi dans les Ardennes belges. La designer bruxelloise transpose ces blocs aux formes arrondies, entre autres, en tabourets, tables d’appoint et luminaires. Dans ses créations, elle entend réintégrer la main de l’Homme dans le processus de production et insuffler de l’opulence aux objets du quotidien. Elle traite les matériaux industriels, simples ou nobles sur un pied d’égalité. L’artisanat et la tactilité sont décisifs pour ses créations poétiques et épurées. Elle cherche ainsi à stimuler les sens et à encourager les utilisateurs à créer leur propre expérience avec les objets.
Koen Van Guijze
His creations are industrial jewels. His lighting… playful or brutalist.
Dès 1990, il imagine ses premiers systèmes d’éclairage. Son studio de design Accessori Lighting Antwerp développe des projets sur mesure, avec les architectes Nathalie Deboel et Niels Maier. Sa ligne Sofisticato, éditée depuis 2018 par Serax, propose des idées fonctionnelles, à partir de figures spatiales. En 2002, Koen Van Guijze lance ses propres créations en pièces uniques et éditions limitées. Entre art et design, ses luminaires sont fabriqués avec des matériaux de récupération ou chutes de marbre. Il n’en paraît rien car ennoblies et sublimées, les matières sont travaillées à la façon d’un orfèvre. Cette année, à Collectible, il a dévoilé l’applique B**ps, composée de 2 disques soudés en laiton patiné bronze, les étagères modulables Spine, en aluminium poli ou brossé, la table d’appoint Stool, en verre et laiton brut. Côté pratique, ces créations sont facilement démontables et transportables !
Vladimir Slavov
Vladimir Slavov conquers the world with his monumental, sculptural lighting.
À l’origine, Vladimir Slavov était scénographe dans un théâtre en Bulgarie. Après une formation complémentaire en arts visuels à l’Académie d’Anvers, il commence à concevoir des éclairages monumentaux en 2013.
Entre-temps, depuis son studio à Zaventem Ateliers, il travaille sur des projets prestigieux, entre autres, pour des restaurants étoilés, The Jane, à Anvers, et Mirazur, à Menton. Dans sa recherche de l’interaction entre la lumière et la forme, et de leur impact sur leur environnement, il n’hésite pas à expérimenter. Fort d’un riche savoir-faire et d’une attention particulière aux détails et aux finitions, il innove avec des matériaux plutôt classiques comme le bronze, qu’il fait fondre avant de le laisser prendre forme librement. Il développe ainsi un nouveau langage expressif des formes. Son expérience théâtrale lui permet d’appréhender parfaitement l’intégration de ses luminaires sculpturaux dans l’espace.