Sommaire
Jules Wabbes ou l’aventure du postmodernisme
Devenir un architecte d’intérieur reconnu
La plupart des meubles originaux et vintage de Jules Wabbes sont désormais disponibles pour ceux à la recherche d’un mobilier design élégant, précieux et intemporel. Ses produits se vendent par le biais de plusieurs marques, dont le fabricant et éditeur belge Bulo pour les meubles de bureau et General Decoration (GEDE) pour les luminaires et les accessoires pour la maison. Des designs conçus pour des particuliers et des entreprises à partir des débuts du design industriel à grande échelle durant les années 1950.
Après-guerre, ce designer et architecte d’intérieur a ouvert son propre magasin : une boutique d’antiquité et d’objets chinés au marché aux puces de Bruxelles. De cette passion de marchand qui le saisit avant les débuts de la Seconde Guerre mondiale, il en fait son métier. Il inaugure cette échoppe avec une des amies, éprise du peintre moderniste Georges Carrey. Pourtant, celle-ci ne doit rien à l’abstraction. Meubles en bois, objets usuels… la tonalité à la fois originale et concrète qui rythme sa sélection lui apporte le succès. On vient de loin pour avoir ses conseils en décoration. Ses proches lui suggèrent alors de devenir architecte d’intérieur.
Jules Wabbes, contemporain de l’artiste Pierre Culot et qui s’est dans un premier temps passionné pour la photographie de rue, est un autodidacte. Mais son attrait pour les matériaux patinés, bruts ou de récupération, le distingue. En lançant son activité de designer, proposant ses services sur-mesure pour des maisons et appartements privés, et surtout les bureaux, il se lie avec des architectes du monde entier. Son entreprise, nommée Mobilier Universel, fabrique dès lors des designs américains du Style international pour les besoins de ses clients (il rencontre les maîtres de l’architecture américaine comme Philip Johnson). 1957 est l’année de sa création. Pour réaliser ses chaises et fauteuils, tables, bibliothèques et commodes, Jules Wabbes choisit le bois massif, un matériau durable.
Réaliser les plus belles architectures
Les bâtiments réalisés par Jules Wabbes à partir de la deuxième moitié du 20ème siècle marquent à jamais le style moderniste belge et influence durablement. Lors de sa carrière, le créateur enseigne sa pratique de l’architecture intérieure et de la conception en bâtiment à l’École supérieure des arts Saint-Luc à Bruxelles.
L’architecture est le fil conducteur de Jules Wabbes, dont les principaux chefs-d’œuvres sont :
- l’aménagement complet de l’Ambassade des États-Unis de La Haye dans un immeuble de Marcel Breueur en 1959 ;
- l’intérieur du Théâtre National de Belgique à Bruxelles grâce à son ami, le metteur en scène Jacques Huisman. Une réalisation en collaboration avec l’architecte belge André Jacqmain, qu’il retrouvera sur les chantiers de l’Université Catholique de Louvain pour la Bibliothèque des Sciences ;
- les intérieurs du siège social des industriels Glaver Glaces et Univerbel (Glaverbel, depuis AGC Glass Europe). André Jacqmain est aux commandes de cette édifice avec d’autres grands noms du postmodernisme en Belgique comme Renaat Braem ;
- la chambre forte de la Société Générale de Banque (BNP Paribas Fortis), sise à Bruxelles. En 2014, ce projet a été sauvé de la destruction et capturé dans un film réalisé pour la société General Decoration.
La renaissance de l’éditeur General Decoration
Chic, géométrique, luxueux
Jules Wabbes travaille en 1969 à Knokke-le-Zoute. Une commande d’architecture intérieure qui doit s’inscrire dans une villa construite par Henry van de Velde, considéré comme l’un des fondateurs du Mouvement moderne en Europe. Parallèlement à cette escapade au Zoute, Jules Wabbes imagine des modèles de lampes et d’accessoires en métal qui signent pour lui un nouveau départ en matière d’esthétique après le temps de Mobilier Universel. En 1969 naît General Decoration : une société constituée afin de fabriquer, diffuser et vendre ces nouvelles créations.
À toute nouvelle esthétique, nouveaux principes, le catalogue de General Decoration fait la part belle au bronze, au laiton et à l’acier. Ces matériaux sont privilégiés par Jules Wabbes pour leur résistance et leur noblesse. Ils s’adaptent à la plupart des formes : carrées aux angles ronds, biseautés et en nid d’abeille.
Les produits cultes de Jules Wabbes pour GEDE
Près de 70 dessins originaux ont été conservés par l’ébéniste, antiquaire et éditeur d’objets modernes Vincent Colet et son épouse Caroline Colet. Leur étroite collaboration avec Marie Ferran-Wabbes, fille de Jules Wabbes et historienne d’art, permet désormais à couple de dépouiller les archives du designer et de continuer à fabriquer ses œuvres. GEDE renaît.
Maintenant, cette société éditrice des modèles conçus par le maître dans les années 1950 et 1960 élargit le catalogue initial et développe de nouveaux objets, luminaires et meubles. Entièrement réalisés en Belgique et de façon artisanale dans des forges et ateliers d’exception, les modèles suivent à la lettre et au millimètre près les originaux d’après les plans, références et matériaux utilisés à l’époque. Chacune de ces merveilles prisées sont numérotées et accompagnées de leur certificat d’authenticité. Elles font l’affaire des décorateurs et architectes comme des entreprises, à l’instar de l’espace de coworking Fosbury & Sons qui a implanté plusieurs appliques de Jules Wabbes dans son immeuble à Boisfort.
Les modèles de General Decoration disposent de finitions strictement conformes aux éditions d’origine. La lampe de table « hexagonale », maintenant vendue en série limitée à 50 exemplaires, a retrouvé ses lettres de noblesse en 2019 pour fêter l’anniversaire de la création de General Decoration. Un cinquantenaire célébré comme il se doit grâce à sa production en marbre gris des Ardennes et toujours réalisée à la main par des artisans locaux. L’univers d’un grand nom belge que l’on peut découvrir dans la vitrine du magasin de la marque à Bruxelles.