Brutes ou sophistiquées, métallisées ou transparentes, massives et primitives, les matières font références à la minéralité, aux visions astrales, aux étendues célestes et stellaires. Leur intensité va de paire avec des formes aléatoires et organiques, des rondeurs irrégulières et des imperfections faisant de chaque objet une pièce unique. Même travaillées en série, les créations se singularisent pour imiter la main de l’homme et une facture artisanale. Des halos vibrants des luminaires façon Space Age et revival sixties, à la poésie du monde futuriste, porteur de rêves, les tendances font référence à un futur fantasmé que l’on a envie de concrétiser, de façon contemporaine, en accord avec le développement durable et les nouveaux objectifs environnementaux plus respectueux de notre planète. Côté couleurs, la tendance est aux teintes pastel, aux tons de rose poudré associés avec des nuances de terre cuite comme la brique, des effets de rouille, d’oxydation et des accents de rouge bordeaux. Les bleus célestes se travaillent en camaïeu, avec des nuances allant des plus claires au plus foncées. Les verts se marient avec les bleus, les tons de beiges et d’autres couleurs neutres. Le jaune ocre se combine avec toute la palette.
Des créateurs à l’écoute de notre temps
Dans un esprit prospectif, l a 5ème édition de Future on Stage, véritable tremplin pour des talents émergents, concrétise une idée de produits plus vertueux. Le collectif Sungai Design (sungaidesign.com) a mis au point toute une gamme de mobilier, réalisée à partir des plastiques extraits des rivières balinaises, témoignant de réelles préoccupations écologiques. Quant aux baignoires parées d’œuvres d’art de Konqrit (konqrit.com), elles célèbrent l’association de l’art et de l’industrie, pour créer des espaces de vie personnalisés. Avec ses fauteuils roulants en bois okoumé ou fabriqués avec des morceaux de poutres calcinées de la Cathédrale Notre-Dame de Paris, la firme Apollo (apollo.fr) met l’accent sur un objet que les designers n’ont pas encore repensé. Le créateur Paul de Livron a mis au point la seule technique permettant d’utiliser le bois dans sa fabrication et faire oublier leur allure médicale. Loin d’être de simples objets en plus, toutes ces créations révèlent d’une démarche et d’une approche originale, faisant évoluer l’univers du design.
Créations sensibles
Les exposants des Rising Talents Awards ne font pas exception à cette mouvance. Parmi les designers sélectionnés dans les pays nordiques, le designer finlandais Antrei Hartikainen (antreihartikainen.fi) avec des créations, mixant artisanat et technologie. Ses tables Melt et Traces, réalisées avec un bras robotisé CNC, reproduisant le travail de la main, présentent une texture inédite, issue d’une nouvelle technique de fabrication en série. Chaque pièce unique est ensuite revêtue de finitions très spécifiques.
Le duo féminin et islandais Flétta (studiofletta.is) offre une seconde vie aux matériaux. Leurs coussins sont conçus à partir d’anciens airbags, les abat-jours de leurs luminaires composés de trophées ou de plaques d’aluminium recyclées, utilisés à l’origine dans l’impression offset. Laine, textiles, bois, verre, ces designers utilisent beaucoup de rebuts, notamment provenant de l’industrie de la pêche comme les filets.
Un designer de l’année de nationalité belge
Le créateur Lionel Jadot (lioneljadot.com), élu designer de l’année 2024 par Maison&Objet, a réalisé un espace d’hospitalité, témoignage de son grand intérêt pour les matériaux de réemploi. Pour concevoir cette installation, il s’est entouré des résidents de Zaventem Ateliers. Ensemble, ils ont imaginé et organisé une chambre, façon suite d’hôtel, faisant découvrir la richesse du savoir-faire de tous les occupants de cette pépinière d’artistes, située dans les environs de Bruxelles. Fabriquées à partir de déchets comme les peaux d’aubergines, à base de racines (créations de Mathilde Wittock, mathildewittock.com) ou de textiles de seconde main (La Gadoue Atelier, lagadoueatelier.com), les matières mises en scène ont soulevé le questionnement de nombreux visiteurs. Les créateurs, qui sont intervenus dans cette installation, encore une fois, s’inscrivent parfaitement dans l’esprit du recyclage, qui n’est plus une activité marginale et anecdotique. Illustrant la philosophie de l’hospitalité, de façon radicale et expérimentale, les artistes et collaborateurs de Zaventem Ateliers ont aussi exploré de nouvelles techniques de traitement de la matière. Magiques, les suspensions lumineuses à base de boyaux de porc qui dessinent, par transparence, un éclairage délicat, avec un diffuseur sphérique gonflant et dégonflant comme une création vivante. Surprenante, la table basse de Bento Architecture (bento.archi) : sur son piètement en hêtre, on a fait pousser un plateau en champignon. Le mycélium est passé dans un four spécial neutralisant les bactéries et rendant la matière très dure. La chambre et le salon étaient abrités sous un dôme inspiré du Kogetsudai, un cône de sable millénaire construit près de Kyoto, avec un décor, façon fresque, en papier mâché 100 % recyclé (@papier.boulettes). Tandis que les murs de la salle de bain, conçue par le designer portugais Mircea Anghel (mirceaanghel.com), étaient recouverts d’un revêtement en panneaux composés de plastique recyclé (Bel Albatros, belalbatros.com).
De nouvelles pratiques et techniques
Parquet imitant le bois brûlé (CarréSol Editions, carresol-parquet.com), terrazzo aux dessins plus organiques, enduit de chaux naturelle avec trois finitions possibles (Terrae chez Ideal Work, idealwork.fr), les matériaux de parachèvement, eux-aussi, évoluent. Un stand d’éco-matériaux était consacré aux expérimentations de nouvelles matières à base de recyclage de déchets naturels : panneaux travaillés à partir de coquilles d’huîtres chez Ostrea (ostreadesign.com), objets à base de coquillages revalorisés, fabriqués selon un processus low-tech en petite, moyenne ou grande série chez Malakio (malakio.com), matériaux bio-sourcés et recyclables non-tissés aux qualités acoustiques et thermiques, à base de byssus de moule, Byscoplak et Byscoflex chez Bysco (bysco.fr), à base de volants de badminton chez Compo’plume (compoplume.fr). Les matières sont transformées en panneaux ou carreaux permettant de créer des meubles ou des surfaces verticales et horizontales pour recouvrir sols et murs. L’entreprise bretonne Adaozan (adaozan.fr), quant à elle, valorise les déchets de pomme issus de la production de cidre et moule une matière dont l’aspect est proche du liège. Pierreplume (pierreplume.fr) a mis au point des matériaux isolants à partir de textiles collectés en France et en Belgique, dont l’aspect esthétique propose une pose visible sur les murs ou une utilisation dans le cadre de la création de mobilier comme des étagères. Et la marque Vescom (vescom.com) fabrique des revêtements muraux structurés durables. Dans une approche décorative, plusieurs formats et teintes sont disponibles. Quant au designer James Haywood (jameshaywood.me), il a mis au point une résine minérale, alternative 100 % naturelle au ciment conventionnel très polluant, et d’une très grande durabilité.