Matières d’exception: 10 plus belles matières et textures

Artisan(e)s ou designer(euse)s, parfois les deux, manufactures et ateliers, jeunes maisons ou entreprises historiques, ils et elles développent un amour inconsidéré de la matérialité.

Traduction | Villas
17 minutes
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Leurs regards contemporains proposent une combinaison des arts décoratifs et du collectible design, une alchimie entre l’intelligence de la main et la générosité de la matière, rapprochant les procédés traditionnels et l’esprit d’innovation. Ils et elles s’ouvrent à la diversité et aux échanges, questionnent les limites de techniques, dans le respect de la matière, et dessinent le design d’aujourd’hui et du futur, plus durable. Sous l’impulsion des salons internationaux comme Collectible Bruxelles, le PAD Paris, Londres ou Design Miami Basel, Downtown design Dubaï ou la Biennale Homo Faber Venise, les meubles, objets et éléments décoratifs évoluent dans une dimension de plus en plus artistique et sculpturale. La multiplication des galeries spécialisées met aussi en avant la performance technique des pièces. Travaillées comme des œuvres d’art, uniques ou en éditions limitées, elles proposent de véritables fonctions et ouvrent de nouveaux champs d’exploration. Dans cet univers, très inventif, qu’on désignait autrefois sous le terme d’arts appliqués, on croise aussi une nouvelle génération de peintres décorateurs qui évoluent dans le domaine du luxe. Talents émergents ou confirmés, ils tracent la voie royale, dialoguent avec le passé, imposent leur singularité avec des propositions fortes. Car les créations actuelles, qui réinventent les métiers d’art et s’appuient sur les matières nobles, offrent les signes distinctifs du bel ouvrage et de sa plus haute facture.

 

Le metteur en scène de l’albâtre

Alain Ellouz

La nouvelle collection de luminaires Incandescence d’Alain Ellouz reconcilie les extrêmes. Elle célèbre le mariage de deux matières nobles, l’albâtre, qui a fait la réputation de son travail, et le bois brûlé. Avec l’albâtre et le cristal de roche, venu de Madagascar, cet orfèvre de la pierre devient scénographe de la lumière. Dans son atelier, il révèle toutes les vibrations des matières, travaillées dans des formes épurées, uniques et poétiques. Les volumes organiques sculptés évoquent la fluidité tourbillonnante de la lave en fusion et la puissance élémentaire qui anime les entrailles de la Terre. Le bois de hêtre, avec ses veines sombres et ses cicatrices profondes, au passage du feu dévastateur, offre une nouvelle texture sensible, formée d’écailles. Son noir intense contraste avec la douceur translucide de l’albâtre. Alain Ellouz a confié l’exécution des parties en bois brûlé, ou yakigusi, un procédé d’origine japonaise, aux Ateliers Danneels et Zafiro. Hugo Danneels et Julie Figuero Zafiro, pratiquant un design régénératif, travaillent notamment la trogne, une forme d’arbre qui préserve les écosystèmes. La rencontre entre le bois et le feu, ses craquelures, l’effet charbon, la transformation de la matière par le feu et la volonté de figer cette métamorphose font partie intégrante de leur terrain de jeu et d’émerveillement. Quant à la lumière, filtrée à travers l’albâtre, elle révèle ses clairs obscurs créant une atmosphère envoûtante et mystérieuse. Qui n’est pas captivé par le spectacle hypnotique de cette puissance tellurique qui parle à nos sens ? (atelier-alain-ellouz.fr)

Alain Ellouz

 

Le virtuose de l’ébénisterie

Jean-Luc Le Mounier

Designer, artiste, artisan d’excellence, distingué par le prestigieux titre de « Compagnon du Devoir », depuis 2010, Jean-Luc Le Mounier se consacre à ses propres créations, considérées comme des chefs- d’œuvre. Représenté par Maison Gerard, à New-York, il oscille entre art et design. Chacune de ses pièces est réalisée dans son atelier de Dinard, en Bretagne, où il explore de nouvelles formes de l’ébénisterie. Dotées de placages d’essences rares ou d’incrustations de matériaux précieux, ses pièces audacieuses et spectaculaires, inspirées par l’art, l’architecture, la mode et surtout la nature, créent la surprise « du jamais vu ». Tel Papillon, un cabinet suspendu comme un bijou mural, nappé de marqueterie de paille noir et or, création emblématique entrée dans une tour de Miami, dessinée par Zaha Hadid. La façade de son armoire Origami en sycomore gravé et marqueté, bronze et sable noir, réinterprétant le côté brut et minéral du béton, est inspirée par un immeuble en béton newyorkais. Jean-Luc Le Mounier consacre une attention extrême aux détails dans la construction et la conception de ses pièces uniques et emploie des techniques réservées à la confection de bijoux. C’était le cas lorsqu’il a réalisé le cabinet Hamada, en collaboration avec un maître émailleur de Limoges. La texture granit en émail composant le décor de sa façade est réalisée grâce à un long travail de cuisson permettant la fixation de cristal noir sur des feuilles de cuivre. L’ensemble est recouvert  par une fine couche de platine apportant une extraordinaire brillance (lemounier.fr).

Jean-Luc Le Mounier

 

Le géomètre du bois

Reda Amalou

Il a l’âme d’un bâtisseur. Architecte et architecte d’intérieur puis designer, Reda Amalou a conçu et aménagé des hôtels, avant de dessiner des meubles et objets. Ce changement d’échelle l’a entrainé à créer, en 2013, son propre studio de creation. Elégant mélange d’épure et d’émotion, se distinguant par la sensualité de ses courbes douces, la console Soa est caractérisée par une longue ligne en laque brillante traversant l’essence de noyer américain. Le noyer est une variété de bois qu’il affectionne particulièrement. Celle qu’il a utilisée pour le paravent Panama provient d’une forêt sous-marine submergée par les eaux du lac Gatùn, un des plus grands lacs artificiels au monde, créé lors de la construction du Canal de Panama. Cette pièce raconte une histoire comme toutes ses créations issues de récits, de son enfance en Algérie, de ses années d’études à Londres, de ses voyages en Afrique. Son style librement inspiré des années 1920-30, dessine un esprit minimaliste, entre tradition et modernité, composée de pièces aux proportions équilibrées. Il témoigne que la simplicité peut s’avérer complexe et s’accompagner d’un raffinement subtil. Les matières choisies sont riches et naturelles, outre le  bois et la laque, travaillée par des artisans en Asie, il se frotte au cuir, au verre, à la marqueterie de paille ou d’ébène pour sortir de sa zone de confort. Sa collection principale se décline en pièces uniques ou en édition limitée de huit exemplaires. Certaines, incluses dans la Collection Galerie, sont travaillées entièrement à la main par des artisans d’art (redaamalou.com).

Reda Amalou

 

L’orfèvre du métal

De Castelli

Fondée en 2003 par Albino Celato et héritière d’une longue tradition dans la fabrication de métaux, la firme De Castelli propose des meubles nés de la collaboration avec des designers célèbres qui cherchent de nouvelles solutions de surfaces.  Résultant d’études et de recherches constantes sur les matériaux, ces textures mettent en relief les caractéristiques des matières de base. Interprétation moderne d’un siège de l’époque victorienne, fabriquée entièrement en laiton poli, la Walt Chair combine des surfaces polies épaisses et une finition brossée sur l’assise et le dossier, créant un jeu suggestif de variations de teintes et de reflets. Présenté à Venise, à l’occasion d’Homo Faber 2024, une biennale qui présente le meilleur de l’artisanat contemporain international, ce siège transforme un objet fonctionnel en objet de connexion et d’inclusion. Sculptural et visionnaire, il exprime tout le langage expressif du designer Giampiero Bodino, combiné au savoir-faire technique et à l’expertise innovante de De Castelli. Tandis que dans la collection Twist, de Zanellatto et Bortotto, la surface métallique bidimensionnelle devient tridimensionnelle : le pliage, le martelage, le cintrage et la soudure génèrent des luminaires inspirés de formes coniques et complexes. Trois volumes sont attribués à trois types de lampes, suggérant différentes interprétations du métal (laiton martelé, cuivre martelé et acier inoxydable). Les finitions et les procédés utilisés se combinent pour jouer avec l’alternance du brossé et de l’oxydé, réfléchissant la lumière de manière inattendue (decastelli.com).

Alberto Parise

 

Les aventuriers de la porcelaine

Coup de foudre

Dans leur maison-atelier-galerie de Courtrai Goedel Vermandere et Jan Arickx façonnent des luminaires en porcelaine immaculée. Lonne Deliens, architecte de formation et fille de Goedel, les a rejoint, il y a deux ans, apportant un regard frais et innovant à leur pratique de 25 ans d’expérience. Leurs créations, rassemblées sous la griffe Coup de foudre, profitent de leurs compétences respectives. Chaque pièce est entièrement façonnée à la main, sans l’utilisation de moules. La porcelaine, qui se déforme et rétrécit lors de la cuisson, rend le processus aussi stimulant que délicat. Couches après couches, des textures subtiles, des épaisseurs variées et des nuances fascinantes traversent la porcelaine délicate, accentuant sa profondeur et la complexité de la forme, en constante évolution, dans le jeu de la lumière. L’œuvre à l’esthétique organique, Silence, exposée à Homo Faber 2024, est une quête profonde de structure et de transparence. Les différents modèles exclusifs sont issus d’une longue recherche et combinent les techniques de différentes savoir-faire, sculpteur, fleuriste, joaillier, céramiste… Certaines pièces, comme les lustres composés de pétales, regroupent plus de mille pièces et éléments. Le travail est instinctif, avec peu ou pas de dessin et met en évidence, l’esprit de contradiction de la porcelaine. Dure, difficile à percer, tout en étant extrêmement fragile, impénétrable, mais aussi cassante, bloquant parfaitement le passage de l’électricité, mais laissant généreusement filtrer la lumière, elle associe élégance et sophistication, modestie et frivolité (coup-de-foudre.be).

Coup de foudre

 

La gardienne du bronze

Maison Intègre

A Ouagadougou, Ambre Jarno a créé Maison Intègre, un atelier regroupant tous les savoir-faire liés au bronze. Après avoir vécu 12 ans en Afrique, où elle a découvert l’art de la fonderie à la cire perdue, elle abandonne son travail en France pour retourner au Burkina Faso. Pour son projet, elle fait appel à des designers comme Noé Duchaufour-Lawrance. La lampe Rétro et les tables d’appoint Kassena présentées, ici, à différentes étapes de leur finition, font partie de son travail Made in situ. Le fabrication du bronze, matière très capricieuse, est segmentée en plusieurs métiers : moulage, soudure, finissage. Ambre Jarno achète, au kilo, des métaux de réemploi, de vieux robinets, des pièces usinées défectueuses, des molettes de bombonnes de gaz, des balles de l’armée… qui sont ensuite refondus. La pièce est d’abord sculptée en cire d’abeille, recueillie dans le nord du Burkina Faso. Puis il faut fabriquer un moule en argile et crottin d’âne. Si la pièce est réussie, c’est une vraie victoire qui fait oublier les ratages… Les imperfections font partie de la beauté des formes. Le travail d’assemblage est colossal comme pour la table Kassena, composée de cinq fragments. Le ponçage révèle l’aspect brillant et vibrant du laiton doré. Les maîtres bronziers africains encadrent une équipe d’une quinzaine de personnes, épaulés par des bronziers du sud de la France, intervenant sur les finitions. Tout en poussant ces magnifiques artisans vers l’excellence, Maison Intègre développe des pièces plus petites et plus accessibles, des patères, poignées de portes et petites lampes (maisonintegre.com).

Maison Intègre

 

Le pygmalion de la laque

Franck Genser

Il a fait ses études à Nancy et suivi l’enseignement de son Ecole Nationale de Géologie. Ingénieur, passionné de phénoménologie, ses compétences sont transversales. Intrigué par le processus de création, Franck Genser est un designer iconoclaste. Il a commencé à créer des objets singuliers sur la base du manque. Il les désirait animés d’une forte personnalité artistique. En 2015, avec la collaboration d’artisans très spécialisés, il a ouvert son atelier pour fabriquer des objets, dotés d’une qualité patrimoniale. Des créations que l’on garde, que l’on transmet, comme autrefois, les armoires de grand-mères… S’il s’intéresse aux techniques anciennes, c’est pour les appliquer sur des formes organiques, contemporaines et intemporelles. La table et le banc Shogun, nés de la rencontre de son style épuré et de l’esthétique nipponne, s’inscrivent dans l’espace comme des signes calligraphiques. Le plateau, en hêtre, du bureau Chumta est nappé d’une laque miroir sfumato, une technique picturale inventée par Léonard de Vinci. Elle anime l’objet de reflets différents, plus ou moins brillants, avec de nombreuses nuances de mat. Quant à la table basse Onishi, recouvert de laque végétale japonaise Urushi, elle rend hommage aux maîtres japonais de cet art ancestral. Obtenue par évaporation et filtration de la sève collectée sur le l’arbre appelé laquier, elle se colore avec des pigments et devient brillante en séchant. Plusieurs mois de travail, couches et temps de séchage successifs sont nécessaires pour envelopper la forme de cette fascinante émotion de perfection de surface (franckgenser.fr).

Franck Genser

 

Le mosaïste de l’éclectisme

Ado Chale

Artiste complet, amoureux de la nature et des matières, il a été le chef de file d’une nouvelle génération de designers qui a émergé, il y a environ 20 ans. Avec son indépendance d’esprit, son expérience d’autodidacte, il n’a subi aucune influence et a suivi son intuition. Artisan, créateur et chineur, il a voyagé, ramassé et stocké des lots de matériaux durant de longues années. Avec la résine, il a trouvé l’élégance qui se mare avec la beauté minérale. Le travail des tables au piètement tripode reste emblématique. Les lignes rondes et carrées des plateaux ont évolué vers des formes plus organiques. Aujourd’hui, l’atelier installé, depuis 2007, dans les écuries de la maison musée de l’Hôtel Solvay, conserve une structure familiale et artisanale. Tous les nouveaux modèles réalisés sont issues de dessins et projets imaginés durant les années 1960/70 qui n’avaient pas encore été réalisés, comme le modèle « Joséphine » en mémoire de sa mère qui a fait l’objet d’une édition limitée à 50 exemplaires. Tous les modèles sont réalisés sur commande, en fonction d’une déclinaison de tailles et dimensions prédéfinies. Pour chacune d’elles, un descriptif précis et un certificat d’authenticité sont produits. Le travail de fonderie et de polissage est confié à des ateliers externes. L’atelier a aussi la responsabilité des rénovations éventuelles et de l’authentification les œuvres plus anciennes présentées dans les ventes aux enchères. Depuis quelques années, les enfants d’Ado, Pierre et Ilona Chale, perpétuent l’œuvre du père, en respectant ses techniques et son style (adochale.com).

 

Les magiciens de la résine

Draga & Aurel

Installés sur le bord du lac de Côme, Draga Obradovic et Aurel K. Basedow se présentent comme un laboratoire d’art et de design. A l’aide de techniques mixtes, avec une approche plastique des matériaux et de leur composition, ils se sont singularisés dans le travail visionnaire de la résine époxy et du Plexiglass. Cette année, la galerie milanaise Rossana Orlandi leur a consacré un espace, en parallèle avec Nilufar, une autre galerie qui expose leurs œuvres d’art tridimensionnelles, depuis deux ans. Réminiscence des années 1970, la tête de lit Lewit, en résine et béton, avec détails métalliques, impose ses formes géométriques. Les luminaires font référence aux artistes minimalistes, de la même époque. Les suspensions Ray, tiges lumineuses en résine époxy, coulée en trois étapes, créent des effets visuels inattendus et variables selon le point de vue observé. Le polissage final permet un filtrage plus précis de la lumière. La console et la table Baia, translucides, comme de l’eau fraîche ruisselant sur les rochers, forment des volumes purs. Le secret de la profondeur donné au matériau réside dans la juxtaposition du ciment brut avec la résine épaisse teintée. Jeux d’optique, effets visuels inattendus de fumée, couleurs pastel et laiteuses se mélangeant pour créer des reflets, transforment les formes du tabouret Glaze table ou du cabinet Glint. Pour la galerie Nilufar, les designers ont créé le projet exclusif Tinted Hues, explorant la puissance des matériaux, où la résine époxy est enrichie d’insertion d’opalines. Autres merveilles dans lesquelles le regard plonge…(draga-aurel.com).

Federica Lissoni et Rossana Orlandi Gallery

Federica Lissoni et Rossana Orlandi Gallery

 

Les étoiles de l’art mural

Atelier Bundell  & Therrien

Formés aux différentes techniques picturales, Célina Bundell et Christophe Therrien, ont créé leur atelier, en 2013. Leurs décors spectaculaires revisitent les codes classiques de la peinture murale, dans un esprit inventif et contemporain. Entourés d’une équipe exceptionnelle d’artisans dotés, ils donnent un nouveau souffle aux pratiques ancestrales. Leurs décors figuratifs ou abstraits, attestant d’un vrai renouveau graphique, sont réalisés avec des pigments naturels et minéraux, offrant les couleurs les plus profondes et subtiles. A l’ère du numérique, chaque étude est réalisée au crayon ou à l’aquarelle. Le projet final est peint à même le support ou sur de grands toiles qui seront ensuite marouflées aux murs ou aux plafonds. Ils maîtrisent notamment le procédé de la dorure à la détrempe, un procédé de lissage de la surface à peindre réclamant une grande patience, où la préparation du support avec de la colle à lapin et du blanc de Meudon requiert beaucoup de soin. Ils pratiquent aussi le sgraffito consistant à écorcher une couche de peinture épaisse pour révéler les couches précédentes ou encore le verre églomisé, qui produit un dessin sous le verre par l’action d’une pointe sèche sur une feuille d’or. Pour le nouveau écrin de la boutique Cartier à Bruxelles, ils ont réalisé un bas-relief en papier mâché, une technique très ancienne utilisée par Gaudi, mettant en scène une panthère dans un décor évoquant les Serres Royales de Laeken. Ce matériau éco-responsable, composé de plâtre à modeler et de filasse végétale est aussi appelé « Plâtre de Paris » (atelierblundell.com).

Cartier

 

Les chercheurs de pierre

Cromarbo

Dans leur entrepôt de 3000 m2, Bruno et Isabelle  Crooneenberghs accueillent les plus belles pierres ornementales du monde. Marbre, granit, quartzite et onyx dévoilent leurs infinies variétés de couleurs et dessins uniques pour parer nos maisons de leur beauté naturelle. Cette entreprise familiale, depuis trois générations,  propose des pierres déjà tranchées en panneaux de 2 ou 3 cm d’épaisseur, aux textures très diversifiées : Marbre, calcaire dur et compact mais sensible aux acides, avec veines aléatoires ; granit magmatique inaltérable, insensible aux acides, mais aux dessins moins spectaculaires ;  onyx translucide et rétro-éclairable avec motifs en strates, un aspect enrubanné ou nuageux ; quartzite semblable au granit, mais doté d’un éventail de décors et couleurs sublimés par un éclairage… Les pierres ne révèlent leur beauté cachée et intrinsèque qu’après l’intervention de l’homme et l’étape du polissage qui crée une matière brillante, quasi-imperméable et libère leurs teintes douces et denses, vives ou nuancées. Dans cette « lithothèque », à livre ouvert, on découvre les harmonies de bleu et de brun du quartzite Santorini, les accents verdoyants du marbre Forest green, dessinant un gigantesque cliché aérien d’une forêt ou ceux de la variété Forest Brown, véritable plongée microscopique dans les fibres du bois. A moins que vous succombiez à la blancheur du Statuario italien. Débusquées aussi en Turquie, au Brésil, en Inde ou Iran, les pierres sont le plus souvent rapportées de l’Italie, plateforme mondiale, qui outre sa propre production, en importe de tous les pays (cromarbo.be).

Cromarbo

 

Le génie du tapis

La Manufacture de Cogolin

Elle fête les 100 ans de son savoir-faire, né dans le golf de Saint-Tropez. Ses créations se partagent entre modèles puisés dans les archives et collaborations avec des designers contemporains comme India Mahdavi, Stéphane Parmentier ou un partenariat historique avec le décorateur Christian Bérard. Les créations sont réalisées autour de quatre familles de machines par des tisserands formés pendant plus de cinq ans pour être autonomes sur les métiers les plus complexes. Les tapis texturés ou cantres sont tissés en lés de 70 cm et les versions des « tissés plats » sont réalisées en morceaux de 50 cm à 3 m de large. Tous les lés individuels sont assemblés à la main. Ils sont fabriqués sur des métiers français à bras, dits de « basse lisse », avec mécanisme Jacquard, datant du XIXème siècle. Cette technique produit des motifs, générés par des cartes perforées, partitions qui guident les crochets, soulèvent les fils au rythme des perforations et permettent la réalisation de dessins très élaborés. Les tisseuses coupent toujours les fils à la main sur le métier pour créer des nuances de couleur entre les fils coupés et bouclés. Le tapis noué, qui a fait la renommée de la Manufacture de Cogolin, dans les années 1920, se fabrique aujourd’hui au Népal sur les métiers de « haute lisse ». Les motifs floraux et géométriques, avec hauts reliefs, sont déclinés dans une palette de 200 coloris, issues de teintures développées par l’atelier, dans le plus grand respect des normes environnementales. Laine, coton, lin, jute, soie, raphia, les matières sont toujours naturelles (manufacturecogolin.com).

La Manufacture de Cogolin

 

Le poète de la maille 3D

Gaspard Fleury-Dugy

Durant ses études, Gaspard Fleury-Dugy, designer et plasticien, prend conscience du potentiel de la maille 3D, technique industrielle vertueuse ne générant aucune perte de matière lors de sa fabrication. Dès le début de sa vie professionnelle, il expérimente l’idée de détourner ce procédé de tricotage, utilisé pour créer des articles d’habillement ou plus techniques, aux textures uniques, souples et extensibles. Il construit de nouveaux ponts entre machine et artisanat, mêlant savoir-faire traditionnel et néo-craft. La maille, composée de flottés et de côtes, lui  apparaît comme une matière mouvante. Tout part du fil, qui est son trait, tandis que la machine devient son stylo. En changeant les fils, il décline de nouveaux aspects. Sa série Soft Objets est née du travail textile de la machine à tricoter, perçue comme un outil de production, capable de générer des formes complexes à la façon d’une imprimante 3D. En échantillonnant les textiles tricotés, il compose un répertoire de motifs et associations de couleurs pour aboutir à une collection de vases. La technique détournée du talon de chaussette et utilisée comme élément décoratif, structurant les zones concaves et convexes de certaines pièces. Point de jersey, de surjet ou de chaînette, ses créations, entre structures de vannerie et armures de tissage, associent l’esthétique des formes de la Rome Antique et la courbe des architectures d’Oscar Niemeyer. Elles proposent aussi une allure plus contemporaine, héritée du rythme des pixels de nos écrans, des rapports colorés du sportwear ou du courant Memphis (gaspardfleurydugy.com).

Gaspard Fleury-Dugy